LA TêTE ET LES MAINS

Publié le par Sheernin

Ou inversement.

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Après le dégoût profond qui me faisait écrire hier, vient le plaisir vif d'écrire aujourd'hui alors que j'achève la lecture de 250 pages formidables, intitulées "Eloge du carburateur" de Mathew B. Crawford. Sous-titre : "essai sur le sens et la valeur du travail".

Premier élément surprenant, l'auteur est un universitaire largement diplômé qui a choisi, finalement, de vivre en réparant des motos.

Seconde jolie surprise, le livre est d'une fluidité vraiment inouïe en regard de ce qu'il aborde. Et enfin, tout le propos s'avère si lumineux qu'il en est réellement réconfortant, même s'il tient évidemment compte de nos réalités contemporaines et de leur sombre issue. C'est dire si j'ai trouvé cet essai enthousiasmant !

Le but n'est pas d'opposer le 'manuel' à "l'intellectuel", ni même de les comparer. Compte tenu des circonstances, tous les aspects du travail en particulier et en général sont abordés et mis en évidence d'une manière posée, extrêmement 'réfléchie', étudiée. L'auteur sait parfaitement de quoi il parle, vu du côté 'garage' comme du côté 'col blanc'. Cela sent le vécu et c'est très probablement cette authenticité et cette sincérité qui participent du rayonnement de ce livre.

M.B. Crawford a si bien su articuler son ouvrage qu'il me semble que son livre agit comme un miroir : il paraît tout à fait être à son image car on passe régulièrement de la réflexion (très étayée) sur le 'monde du travail' au concret de la mécanique. Je pourrais même dire qu'il est extrêmement habile à démonter les mécaniques, qu'elles relèvent du système social tel qu'il s'est construit ou des problèmes liés aux villebrequins, aux amortisseurs et autre carburateur.

Fille et petite-fille de mécaniciens-garagistes, j'avais déjà largement eu l'occasion d'admirer et de respecter l'univers du cambouis mais  quelques dizaines d'années plus tard, grâce à M.B. Crawford, j'ai pu prendre davantage conscience de tout ce qu'il pouvait recéler en matière de connaissances pratiques faisant appel à une réflexion que j'avoue n'avoir pas soupçonnée d'être aussi active et étendue.

 

L'importance que recouvrent la proximité et les valeurs intrinsèques -mot fréquemment employé au long des pages- se trouve évidemment opposée aux effets pervers de la mondialisation. Souveraineté -aussi galopante que néfaste- des bureaucrates et autres plannificateurs. Problème sans cesse accru par le saucissonnage -déshumanisation tâche par tâche et par géographie interposée. C'est tout  l'aspect virtuel du 'monde du travail' et de sa distanciation par rapport à la cohérence des besoins humains, qu'ils soient moraux et/ou matériels.

Finalement, même si la conclusion de son analyse ne laisse que bien peu de place à un espoir collectif, Mathew B. Crawford est parvenu à faire oeuvre d'optimisme à échelle humaine - chacun, pour peu qu'il soit animé d'une passion constructive, dispose d'atouts pour améliorer sa vie. Améliorer la vie, tout court.

Oui, voilà un livre comme un sillon creusé dans lequel quelques belles et bonnes graines devraient pouvoir germer. Il est bon de savoir qu'il existe des hommes intelligents et tournés vers la générosité, face auxquels certains politicards nuisibles comme un Wauquiez ne tiennent pas la route, sur la longueur.

 

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aux Editions "LA DéCOUVERTE"


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